Le GTEO 2024 s’est tenu à Vierves-sur-Viroin, dans le Parc national de l’Entre-Sambre-et-Meuse.
En ce mois de juin 2024, les Parc nationaux de Wallonie ont accueilli une journée consacrée à l’observation de la terre, mise au service de la conservation et de la gestion dans les parcs nationaux. L’occasion rêvée de se faire une idée des innovations récentes et des perspectives futures dans ce domaine prometteur.
Quelle est la structure d’un peuplement forestier et comment y évaluer les dégâts des ravageurs ? Comment aider les éleveurs wallons à ajuster leur calendrier de pâturage en fonction des aléas du climat ? Peut-on retrouver le tracé ancien d’une rivière qui a été rectifiée ? Comment évolue la progression d’une plante exotique envahissante ?
Toutes ces questions et bien d’autres encore peuvent être résolues grâce aux données de l’imagerie aérienne, qu’elles soient acquises par drone, aéronef ou satellite. C’est ce que nous ont appris la dizaine de spécialistes invités lors de la journée du Groupe de Travail en Observation de la Terre (GTEO), organisée annuellement par l’Institut Scientifique de Service Public (ISSeP) .
Pour son édition 2024, l’ISSeP a placé le GTEO sous la signe des nouveaux Parcs nationaux de Wallonie, qui ont coorganisé l’événement et fourni les thématiques qui ont servi de fil rouge tout au long de la journée. Le Parc national de l’Entre-Sambre-et-Meuse (ESEM) a accueilli les quelque 70 participants dans un lieu emblématique de son territoire : l’Écosite de la Vallée du Viroin, siège des Cercles des Naturalistes de Belgique, à Vierves-sur-Viroin.
Au fil de cette journée riche en découvertes et – fait exceptionnel ! – ensoleillée, des spécialistes du secteur se sont succédés pour exposer les résultats de leurs travaux et dresser l’état des connaissances en matière de géodonnées. Nous vous en donnons ci-dessous un bref aperçu.
Analyser l’état des forêts et prairies
La première partie de la journée était consacrée à la couverture végétale. Avec Patrick Engels, de la DG « Ressources naturelles, agriculture, environnement » du SPW, nous avons découvert les outils mis en place sur le géoportail de Wallonie pour offrir des géodonnées libres d’accès de plus en plus précises et complètes, notamment grâce aux données laser et infrarouges des avions LIDAR. On parle ici notamment de mesurer la hauteur des cimes, de retrouver des chemins non cartographiés ou encore d’évaluer la profondeur des masses d’eau.
Toujours en forêt, mais cette fois à l’aide d’un drone léger bon marché, Hugo de Lame (ULiège) a présenté sa méthode expérimentale pour évaluer, en seulement 10 minutes, des parcelles forestières en vue d’estimer par exemple la quantité de bois mort au sol ou le nombre d’arbres morts sur pied. Dans la foulée, deux représentants de la société Spacebel ont fait le point sur les dernières avancées en matière de suivi forestier. Les colorations étonnantes de leur imagerie spectrométrique ont notamment permis de faire le suivi de la défoliation d’une zone forestière victime de ravageurs en Amérique du Sud.
Enfin, Cozmin Lucau-Danila, du Centre wallon de Recherches agronomiques (CRA-W), a fait le point sur les apports de l’imagerie satellitaire pour le suivi de la croissance des prairies wallonnes. Les développements menés par le CRA-W permettront d’apporter aux agriculteurs et agricultrices une aide à la décision dans la gestion de leurs prairies, cheptels et champs, dans le contexte d’une adaptation aux impacts des dérèglements climatiques.
Mieux comprendre les cours d’eau
Dans la deuxième partie de la matinée, ce sont les rivières qui étaient à l’honneur. Xavier Legall, du SPW, a détaillé les calculs mis en œuvre par son service pour proposer une estimation de la surface des lits mineurs. Ensuite, Charlie Guffens (ULiège), a expliqué comment les images aériennes ont contribué à la préparation du chantier de la reméandration de l’Eau Blanche, sur le territoire du Parc national ESEM. Les calculs de pente, de puissance et de granulométrie ont permis de modéliser les travaux d’excavation en vue d’assurer le transport optimal des sédiments dans les futurs méandres. L’imagerie aérienne a aussi contribué à retrouver et dater les anciens méandres.
Charlie Guffens nous a aussi rappelé l’intérêt de ce projet pour le territoire : « La reméandration permet de mieux contrôler les inondations en en limitant la portée en aval et veillant à ce qu’elles se produisent davantage dans une zone non bâtie »
La journée a été coorganisée par l’ISSeP et les deux Parcs nationaux de Wallonie (Entre-Sambre-et-Meuse et Vallée de la Semois).
Lutter contre le déclin de la biodiversité
Dans le cadre de son mémoire, Charlotte Angerand (ULiège) a étudié la pollution lumineuse dans le Parc naturel Burdinale-Mehaigne, où l’objectif était de mettre en place une trame noire, comme cela est prévu dans le Parc national ESEM. Rappelons que la pollution lumineuse ne cesse de s’aggraver à l’échelle planétaire, et que la Belgique figure dans le top 5 des pays les plus touchés !
Charlotte Angerand a détaillé les interactions entre pollution lumineuse et réseau écologique et expliqué comment la combinaison d’images aériennes et de calcul d’emprise au sol permet d’évaluer l’impact des différents types d’éclairage. La conclusion a de quoi inquiéter : dans la zone étudiée, le passage généralisé à l’éclairage LED, prévu pour 2030 dans toute la Wallonie, multiplierait par 6 l’emprise au sol et par 5 le nombre d’obstacles infranchissables pour la faune nocturne.
Coraline Wyard (ISSeP) a ensuite exposé ses travaux de cartographie de la renouée du Japon, une plante exotique si envahissante que suivre sa progression est un défi technique. L’utilisation de drones, confrontée à la vérité du terrain, a permis d’affiner une méthode qui pourrait être étendue à l’échelle régionale, en fonction des données LIDAR et satellite disponibles.
Gérer les flux humains dans un parc national
Les trois dernières interventions de la journée ont porté sur les interactions entre les activités humaines et l’environnement naturel. Wim Kuypers (UHasselt) nous a expliqué comment il évalue les interactions entre humains et faune sauvage en combinant des données GSM et internet (observations.be, application de randonnée Strava, réseaux sociaux…) avec les images de pièges photographiques. Sa méthode, appliquée prochainement dans le Parc national ESEM, permet aussi de détecter les incursions dans des zones protégées. Le but : soutenir les responsables des parcs nationaux dans leur gestion.
En fin de journée, Nicolas Installé (FuturoCité) a présenté le jeu Databusters, qui contribue à la gestion efficace des territoires, tandis que Michel Van Assche (ASBL Recherches et Prospections archéologiques) nous a fait voyager dans le temps, en détaillant les apports de l’imagerie LiDAR et de l’ortho-photographie de haute altitude pour la recherche archéologique. Un domaine innovant qui pourrait nous éclairer sur le passé celte de notre territoire.
En conclusion, ce fut une journée riche en découvertes passionnantes, qui pourraient changer le visage de nos parcs nationaux, et qui nous rappelle aussi combien la terre est précieuse et complexe. Pour cette raison, le contact avec ce que les chercheurs et chercheuses appellent la « vérité-terrain » demeure essentiel. Et ça, c’est ici-bas que ça se passe.
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