© Peggy Schillemans
L’emballement des dérèglements climatiques désarçonne même les experts. Et les conséquences sont déjà là. Nos responsables peinent à se hisser à la hauteur de l’enjeu. Complexité institutionnelle, conflictualité politique, coût économique et social : tout cela n’aide pas. Pourtant, des mesures simples peuvent être prises dès maintenant. Comme renforcer et pérenniser de vastes espaces naturels.
Inutile d’y aller par quatre chemins… Le réchauffement global et les dérèglements climatiques sont entrés dans une phase critique, au point de plonger dans le désarroi les experts du GIEC. Cerise sur le gâteau : le phénomène serait 4 fois plus rapide en Europe. Face à ce défi titanesque, les politiques de réduction des émissions de GES sont à la traîne. Et l’adaptation aux abonnés absents.
Heureusement, tout n’est pas si sombre…
C’est grave, docteur ?
Le Guardian a mené une enquête auprès de centaines d’experts du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat). Résultat : 80% des meilleurs climatologues de la planète estiment que la hausse des températures atteindra ou dépassera 2,5°C par rapport aux niveaux de l’ère préindustrielle, et seuls 6% pensent que nous resterons sous le seuil de 1,5°C, suivant l’objectif de Paris.
D’après de nombreux experts consultés, il faut s’attendre à un avenir marqué par des famines, des conflits et des migrations massives, en raison de la multiplication et l’aggravation des vagues de chaleur, feux de forêts, tempêtes et inondations. Les spécialistes du GIEC reconnaissent être découragés et en colère face au manque d’une réaction proportionnée de la part des pouvoirs publics, pourtant amplement informés des phénomènes en cours et des risques annoncés.
L’élève Belgique : pas brillant
La Belgique échappe-t-elle au constat ? Pas vraiment, à lire un dossier proposé le 11 mai dans L’Écho.
Les constats égrenés sont peu réjouissants : tensions et indécisions politiques (p.ex. autour de notre futur mix énergétique), dossiers enlisés (voitures de société), investissements schizophréniques (subsides aux énergies fossiles), dynamiques molles (plafonnement du renouvelable), crainte de l’impopularité (taxes carbone, prix juste…), ambitions lilliputiennes (plan de rénovation du bâti en rade), blocages institutionnels (désaccords entre régions). La liste est longue et monotone…
Un espoir venu de la nature…
Faut-il conclure que rien ne va ? Pas tout à fait. Dans le même article de L’Écho, Luc Bas, directeur du Cerac (Centre de l’analyse des risques climatiques, SPF Santé), souligne qu’il existe une catégorie de mesures qui peuvent faire l’objet d’un large consensus et ne requièrent pas de longues négociations politiques.
Citons Luc Bas, dans L’Écho, « Les mesure sans regret, qu’on peut prendre en étant sûr à 100% qu’elles sont les bonnes mesures d’adaptation ici et maintenant, ce sont les investissements dans les solutions basées sur la nature » : redonner de l’espace aux cours d’eau, protéger les espaces naturels, verdir les villes… « Tout cela aidera, quelle que soit la nature exacte de l’adaptation à faire, et c’est nécessaire pour atteindre la neutralité carbone », renchérit le directeur du Cerac dans L’Écho.
La nature au chevet de nos maux
Des « solutions basées sur la nature » ? Une terminologie un peu ampoulée pour dire une chose très simple : laissons faire les écosystèmes.
Par les voies de l’évolution et les dynamiques écologiques, la nature a la capacité de s’auto-entretenir, se régénérer et s’adapter. C’est ce que résume la philosophie « Nature knows best » (traduisez : « la nature sait ce qu’elle a à faire »), à laquelle adhère le Parc national de l’Entre-Sambre-et-Meuse.
Laisser la nature faire, c’est en réalité gagner sur deux tableaux complémentaires :
- Des écosystèmes plus vastes, plus naturels et plus riches en biodiversité sont aussi plus résilients, donc plus efficaces dans le stockage du carbone, la rétention et la purification de l’eau, la régulation du climat… Bref : ils sont plus aptes à rendre durablement des « services écosystémiques » ;
- Ces écosystèmes naturels sains sont aussi plus aptes à absorber et modérer les effets du changement climatique (vagues de chaleur, sécheresses, inondations…) pour les espèces qu’ils abritent et protègent dont… nous !
Ce n’est donc pas par hasard si l’UNEP (programme de l’ONU pour l’environnement) et l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) invitent les acteurs politiques et économiques à inscrire leurs actions dans le cadre des solutions basées sur la nature.
Nos parcs nationaux, source d’optimisme
Enfin, la nature ne fait pas de politique partisane. Elle ignore les frontières linguistiques. Elle n’a pas le goût des polémiques. Et elle ne met pas ses écosystèmes à l’arrêt en raison d’une divergence idéologique ou d’un calcul d’image. Tout cela a déjà des effets positifs dans notre pays !
« La naissance de 6 parcs nationaux en Belgique au cours des 18 derniers mois, dans des régions différentes et sous des majorités politiques variables et composites, démontre qu’il est possible de s’unir au-delà des clivages institutionnels et idéologiques, pour offrir à la nature un sanctuaire à la hauteur de ses besoins et de nos défis », souligne Philippe Chèvremont, président du CA du Parc national de l’Entre-Sambre-et-Meuse.
En Wallonie, pas moins de 50.000 ha ont ainsi obtenu le prestigieux label Parc national, dans l’Entre-Sambre-et-Meuse et la Vallée de la Semois. Une sacrée bouffée d’air frais… et d’espoir.
Reste à confirmer l’essai. « Les parcs nationaux ont besoin d’un financement pérenne pour continuer à augmenter la naturalité de nos zones naturelles les plus riches et précieuses, mais aussi pour développer des activités durables au bénéfice de la population et des visiteurs. Nous espérons que la raison et le consensus continueront à l’emporter », conclut M Chèvremont en forme d’appel.
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