© Parc national ESEM
Des forêts résilientes, qui résistent aux sécheresses, abritent une riche biodiversité, captent durablement le carbone et apportent de multiples bienfaits aux humains, cela passe notamment par plus de bois mort en forêt. Le Parc national de l’Entre-Sambre-et-Meuse y veille.
Le bois mort n’a pas très bonne réputation. Certains trouvent que cela fait désordre. D’autres considèrent que c’est un gaspillage de ressources. Ou pensent que c’est un vecteur de maladies. C’est tout le contraire.
Le bois mort, sur pied et au sol, participe au bon fonctionnement de l’écosystème forestier. Il assure la productivité continue et la régénération des forêts. Et il participe même à la prévention des « ravages » causés par certains insectes comme le scolyte. De plus, des études ont montré que le public wallon est désireux de s’évader dans des forêts plus naturelles et sauvages.
Passons en revue 6 superpouvoirs du bois mort.
1. Circularité et productivité
Si on extrait tout le bois qui pousse en forêt, comment celles-ci conserveront-elles suffisamment de nutriments dans leur sol pour continuer à se régénérer ? Laisser une partie du bois mourir sur pied et pourrir au sol, c’est s’assurer que tous les nutriments seront recyclés et pourront être réutilisés. C’est donc garantir la productivité à long terme des forêts. Et c’est mieux pour tout le monde.
2. Rétention de l’eau et résistance aux sécheresses
Le cycle du bois mort est aussi un cycle de l’eau « verte » (eau contenue dans les végétaux et les sols). En se dégradant, le bois se transforme en « éponge ». Au fil de sa transformation en humus, il transfère ainsi une grande quantité d’eau dans le sol. Outre la purification de l’eau d’infiltration, ce tampon humique constitue une réserve permanente d’humidité permettant à la forêt de mieux résister aux sécheresses.
3. Biodiversité et dynamiques écosystémiques
Les spécialistes considèrent que le bois mort, lorsqu’il est abondant et disponible dans toutes les tailles, soutient des milliers d’espèces qui en dépendent pour leur habitat et leur nourriture. Pour les seuls champignons, on a dénombré 2700 espèces inféodées au bois mort en Suisse. En tout, 20 à 25% des espèces forestières seraient saproxyliques.
Champignons microscopiques, cortège d’insectes liés aux différents stades de la décomposition, mais aussi leurs prédateurs vertébrés, ou encore les pics, chauve-souris et autres oiseaux et mammifères cavicoles (mésanges, écureuils…) : la liste est interminable. Et cette biodiversité est la garantie de la résilience des écosystèmes : plus il y a d’espèces différentes pour faire fonctionner un écosystème, plus celui-ci est capable de s’adapter et se déformer face aux chocs extérieurs.
On estime que 20 à 40 m³ de bois mort à l’hectare (au lieu de 10 m³, moyenne wallonne) permettrait de préserver l’essentiel de cette biodiversité sans se priver des autres apports de la forêt, comme l’exploitation du bois. Pour assurer cette fonction de soutien à la biodiversité, il faut également que les pièces de bois mort soient de tailles variées
© Parc national ESEM
4. Régénération naturelle
Actuellement, la majorité de nos forêts sont renouvelées par plantation, après des coupes, souvent à blanc. À l’inverse, le bois mort favorise la régénération naturelle des forêts. Non seulement il assure la circulation des nutriments, qu’il rend disponibles dans l’humus, mais il contribue à protéger les jeunes pousses d’arbres. En effet, les troncs et grandes pièces de bois mort couchées au sol forment un paysage inquiétant pour les herbivores. Dans les zones de chablis (jonchées d’arbres déracinés), cerfs et chevreuils sont plus visibles et ils savent qu’il leur sera plus difficile d’échapper à leurs prédateurs (lorsque ceux-ci sont présents). Ils tendent donc à éviter ces zones, où les jeunes arbres poussent tranquillement.
5. Lutte contre les « ravageurs »
Le bois mort, sur pied ou au sol, abrite et nourrit une quantité considérable d’insectes et de leurs prédateurs. Tout cela forme donc un réservoir d’espèces auxiliaires utiles pour prévenir les dégâts de certains ravageurs. Mais c’est surtout en participant au maintien d’écosystèmes riches et résilients que le bois mort contribue à lutter contre les maladies. En effet, les attaques de scolytes les plus destructrices ont lieu dans des forêts monospécifiques (telles que des plantations d’épicéas) en état de stress hydrique.
6. Séquestration du carbone
Des écosystèmes forestiers plus productifs et autonomes, plus résistants aux maladies et aux sécheresses, plus riches en biodiversité, cela fait partie d’une stratégie efficace de décarbonation. Se contenter de planter et exploiter, sans veiller à préserver des zones de naturalité et de biodiversité forestières renforcées, cela conduirait à appauvrir des écosystèmes qui seront à terme moins productifs et résilients. Inclure des forêts plus naturelles, riches en bois mort, sur nos territoires fait donc partie des solutions que doivent mettre en œuvre nos sociétés pour réussir leur transition écologique.
La charte forestière du Parc national ESEM
Dans sa charte forestière, le Parc national de l’Entre-Sambre-et-Meuse promeut plus de naturalité dans les forêts du territoire. Fondée sur la vision « nature know best » (« la nature sait ce qu’elle a à faire »), la charte invite les propriétaires forestiers publics et privés à accroître la quantité de bois mort et d’arbres-habitats sur leurs terrains. Ces deux critères mesurables permettent d’augmenter la biodiversité et la résilience forestière. Ils se déclinent en trois niveaux d’engagement.
- La réserve biologique intégrale (RBI) : c’est le plus haut niveau d’engagement. En RBI, l’exploitation du bois est totalement abandonnée, pour laisser s’exprimer les dynamiques naturelles de la forêt. Les RBI couvrent 10% des forêts du Parc national.
- Les forêts de conservation et de production (dites de « niveau 2 ») : dans ces forêts, les propriétaires s’engagent à laisser davantage de bois mort sur pied et au sol (le but est d’atteindre 20 m³ en deux rotations, soit 32 ans).
Les forêts multifonctionnelles (de niveau 3) : ces forêts doivent répondre aux normes de la charte PEFC, qui constitue le standard des forêts publiques en Wallonie. Un maximum de 15% de forêts de niveau 3 est admis sur le territoire du Parc national ESEM.
Source : Forêt et naturalité.
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