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Focus sur trois espèces emblématiques du bocage de Fagne, qui bénéficient des restaurations en cours cet automne et d’autres actions menées par le Parc national. Comme vous allez le découvrir, ce n’est pas parce qu’on est rare ou menacé qu’on ne peut pas aussi être un (tout petit peu) effrayant…

En ce début d’automne, le Parc national et Natagora lancent de grandes opérations de restauration des prairies de fauche, portant sur plus de 10 hectares (lire ici). D’autres actions, telles que la création de mares et la plantation de haies et de vergers hautes tiges pérenniseront et renforceront la mise en valeur du bocage dans la plaine de l’Eau Blanche. On en profite pour faire un focus sur trois espèces étonnantes qui bénéficient pleinement de ces actions.

Le triton crêté : petit dragon des mares agricoles

Le triton crêté est le plus grand de nos tritons wallons : il peut atteindre 20 cm. Vous me direz que ce n’est pas bien grand pour un dragon, mais observez tout de même ce ventre orange vif comme la braise et cette majestueuse crête dentelée qui parcourt l’épine dorsale de la bête : elle orne les mâles à la saison des amours et a donné son nom à l’espèce. Et puis, le triton crêté est devenu presqu’aussi rare que les dragons. Et ça, c’est dommage. C’est pourquoi le Parc national et ses partenaires mettent les bouchées doubles pour protéger l’espèce.

Protéger le triton, c’est aussi protéger d’autres espèces et tout un écosystème, qui dépendent des mêmes conditions environnementales que l’amphibien. C’est pourquoi on parle parfois d’espèce parapluie. Vous me direz, c’est un peu normal pour un animal qui passe une bonne partie de sa vie sous l’eau…

Le triton crêté apprécie particulièrement les grandes mares agricoles, bien exposées et suffisamment profondes par endroit. Il est donc particulièrement choyé, puisque plus de 30 mares seront creusées cet automne et l’hiver prochain. Il aime aussi les éléments arborés du bocage, où il demeure assoupi durant la saison froide. La plantation de haies est donc une autre de nos actions qui lui profite. De rien, petit dragon…

Le grand rhinolophe : un battement d’ailes dans une nuit d’enfer

Les chauves-souris sont affublées d’une lugubre réputation. On sait qu’elles sont à l’origine des histoires de vampires, qui sucent le sang de leurs victimes. Pourtant, la totalité de nos chauves-souris sont d’incurables insectivores. Et les rhinolophes ne font pas exception. A ce titre, ils sont d’ailleurs d’utiles auxiliaires des agriculteurs.

Autre trait particulier : le physique – comment dire ? – « atypique » de ces mammifères surprenants. Ne parlons pas de leur faciès, qui évoque un fer à cheval écrasé (« rhinolophe » signifie « nez en panache »). Quant à leurs grandes ailes, constituées par de la peau tendue entre des phalanges démesurées, elles ont inspiré nos vieilles représentations des diables et démons.

L’origine de cette association trouve-t-elle sa source dans l’antiquité grecque ? Les âmes des morts étaient alors décrites comme des « ombres » qui volètent dans des cavités souterraines, à l’image de nos sympathiques chiroptères. Or c’est là, dans les entrailles de la Terre, que les Anciens situaient le royaume des Enfers ! Au Parc national, nous pensons plutôt que la Terre est un paradis, alors il est peut-être temps de réhabiliter les chauves-souris… Pour le grand rhinolophe, il est même plus que temps : l’espèce est considérée en danger critique d’extinction en Wallonie.

Le grand rhinolophe bénéficie de plusieurs actions du Parc national. La restauration des prairies favorise l’abondance et la diversité des insectes, dont il se repaît, et la plantation de vergers hautes tiges est particulièrement bénéfique pour l’espèce, qui aime se suspendre aux branches des fruitiers entre ses vols de chasse. Enfin, la lutte contre la pollution lumineuse et la mise en place d’une trame noire sont des actions vitales pour la faune nocturne.

La pie-grièche : un mini Jack l’éventreur terrorise le bocage…

On vous a gardé le meilleur – ou le pire, c’est selon – pour la fin. Je parle ici d’un authentique bandit masqué, qui perpètre des crimes d’une indicible cruauté ! La terreur du bocage, sans conteste. Son nom est d’ailleurs sans équivoque. Car nous parlons bien de la pie-grièche écorcheur, alias le boucher des prairies…

Dans le monde des oiseaux, la pie-grièche est un prédateur miniature. Au contraire des autres rapaces, elle appartient à l’ordre des passereaux, à l’instar des merles et moineaux. Du coup, ses proies aussi sont de taille modeste : généralement de gros insectes, plus rarement des musaraignes et d’autres petits vertébrés. Jusque-là, pas de quoi s’épouvanter. Sauf que… le sort qui leur est réservé fait froid dans le dos : la pie-grièche « stocke » ses proies en les empalant – parfois vivantes ! – sur les épines des buissons et les pointes saillantes des barbelés. Sur son passage, elle abandonne ainsi de macabres brochettes appelées « lardoirs »…

La pie-grièche est une espèce bocagère par excellence. La présence de haies riches en aubépines et de prunelliers fournit une profusion de longues épines, idéales pour empaler ses proies. De plus, le paysage fournit des postes d’observation parfaits pour chasser à l’affût. Et l’abondance des insectes, amphibiens et autres micromammifères font des prairies de fauche restaurées un terrain de chasse incomparable.

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