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Alain Bouchat, gardien de la nature, représente Natagora au Conseil d’administration du Parc national ESEM

Alain Bouchat est une figure bien connue de l’Entre-Sambre-et-Meuse. Grand artisan de la conservation de la nature dans la plaine de l’Eau Blanche, il retrace pour nous l’histoire qui a conduit aux succès d’aujourd’hui. Selon lui, le Parc national apporte une dynamique inespérée pour la protection de la biodiversité. « Nous sommes en train de changer d’échelle », explique ce conservateur de plusieurs réserves Natagora.

Il faut avoir pataugé dans les prés de fauche de la réserve de la Prée, en plein automne, pour comprendre pleinement le sens de ces deux mots : « prairies humides ». C’est ici, dans le somptueux bocage de la vallée de l’Eau Blanche, que nous avons rendez-vous avec Alain Bouchat, conservateur historique de la réserve de la Prée et membre du Conseil d’Administration du Parc national de l’Entre-Sambre-et-Meuse.

Parc national ESEM : Quelle est la particularité de ce magnifique paysage de la Fagne, qui est l’une des trois régions naturelles du Parc national ? 

Alain Bouchat : Le mot fagne signifie « marais ». Tout part de là. Ici, l’assise géologique a produit des sols imperméables, à l’origine d’un paysage riche en zones humides, mares, étangs, roselières et prairies maigres. Ces terrains sont peu favorables à l’agriculture, ils ont donc été réservés à l’herbage et la fauche. Cette faible emprise des activités humaines a permis de maintenir le bocage fagnard dans un état de conservation exceptionnel. C’est un des rares endroits en Belgique où les oiseaux du bocage, comme la pie-grièche écorcheur, ne sont pas en déclin.

PN : Comment a commencé l’histoire de cette immense réserve de la Prée ?

AB : Pour moi, tout commence en 1987. Les Réserves naturelles et ornithologiques de Belgique (aujourd’hui Natagora) me proposent alors de devenir conservateur d’un terrain à Dailly, une pelouse à orchidées sur la Calestienne, en bordure de Fagne. Un peu plus tard, cette réserve s’est étendue et une autre réserve naturelle, contigüe, s’est créée dans la plaine de l’Eau Blanche : la Prée. Mais l’essentiel, c’est ce que nous avons réalisé collectivement au fil du temps. En multipliant les contacts avec les voisins, nous avons réussi à former un vaste ensemble de zones protégées qui couvrent 200 ha de part et d’autre du lit de l’Eau Blanche (NDLR : ce total inclut la réserve des Tiènes de Dailly, située sur le relief de la Calestienne).

Réserve naturelle de la Prée à Dailly

PN : Protéger de vastes espaces, c’est un facteur déterminant à tes yeux ?

AB : Oui, il y a bien sûr un intérêt écologique à cela. Nous avons commencé par protéger de minuscules populations d’espèces menacées, comme des orchidées ou la pie-grièche écorcheur. Ensuite, nous avons tout mis en œuvre pour que ces populations puissent se renforcer et s’étendre. Et les résultats parlent d’eux-mêmes : je me souviens avoir compté 350 pieds d’une espèce d’orchidée à l’achat d’une parcelle initiale ; cette année, j’en ai compté pas moins de 10.800 pour cette même espèce, qui s’est largement répandue dans la plaine. Mais il n’y a pas que cela. En travaillant sur de plus grands espaces, c’est aussi la nature de nos actions qui change. Ici, dans la plaine de l’Eau Blanche, nous sommes enfin arrivés à un niveau de maîtrise foncière suffisante pour envisager des projets de grande ampleur, comme le projet de reméandration mené par le SPW Cours d’eau non navigables, Natagora et le Parc naturel Viroin-Hermeton (PNVH). Ce projet permettra de recréer près de 2 km de méandres entre Dailly et Aublain (NDLR : sur la commune de Couvin).

“Je pense que l’apport le plus essentiel du Parc national, c’est qu’il permet d’attirer l’attention, de sensibiliser et de convaincre la population et les propriétaires de rejoindre le mouvement. Ça, c’est quelque chose d’énorme.

Alain Bouchat

PN : quelle est la contribution du Parc national dans la vallée de l’Eau Blanche ?

AB : Bien que le chantier de reméandration soit réalisé sur un budget indépendant, il s’inscrit dans une dynamique plus large, portée par le Parc national ESEM et ses partenaires, dans toute la plaine de l’Eau Blanche. Le Parc national a fait de la qualité des eaux courantes un de ses objectifs prioritaires, et il mène de nombreuses actions concrètes dans cette direction. Exemple : l’acquisition toute récente de 5 hectares supplémentaires à la Prée, mais aussi la pose de mâts de nidification pour les cigognes, le creusement de plans d’eau, la création de roselières. Toutes ces actions convergent pour constituer  un mouvement d’une ampleur inédite. Et le Parc national permet aussi la rencontre et la concertation entre différents acteurs : naturalistes, chasseurs, pêcheurs, autorités wallonnes et communales, agriculteurs, propriétaires, habitants. Enfin, je pense que l’apport le plus essentiel du Parc national, c’est qu’il permet d’attirer l’attention, de sensibiliser, et de convaincre les citoyens de rejoindre le mouvement. Ça, c’est quelque chose d’énorme.

PN : La protection de la nature, ça se passe aussi dans les têtes ?

AB : On ne peut réussir à protéger la nature et la biodiversité qu’avec les gens. Mettre des morceaux de nature sous cloche ne suffira pas ! Au cours de ma carrière de conservateur de réserves, j’ai passé autant de temps à discuter avec le voisinage qu’à m’occuper des réserves ! La dimension sociale est capitale. À ce niveau, le Parc national peut faire la différence grâce à ses actions qui touchent davantage à l’humain, comme la participation et la sensibilisation.

” Le Parc national permet de concrétiser des projets dont on rêvait depuis longtemps, mais qu’on pensait impossibles…”

Alain Bouchat

PN : Comment vois-tu l’avenir pour la nature du sud de l’Entre-Sambre-et-Meuse ?

AB : Avec énormément d’optimisme et d’enthousiasme ! Avec l’arrivée du Parc national, nous sommes en train de changer d’échelle dans la préservation de la nature. Non seulement dans les aires protégées de nos trois régions géologiques (NDLR : Ardenne, Calestienne, Fagne), mais aussi et peut-être surtout hors des réserves ! En plus des nombreuses actions menées pour protéger la biodiversité, l’équipe du Parc national établit des contacts avec les propriétaires pour les convaincre d’intégrer leurs parcelles dans le périmètre. Cela permet de voir grand pour la nature. Et c’est essentiel.

À titre personnel, je suis en train de vivre une période de ma vie de naturaliste que je n’aurais jamais imaginé connaître. Grâce à ses moyens financiers et humains, mais aussi par les synergies entre les organisations de protection de la nature, les communes et ses autres partenaires, le Parc national permet de concrétiser des projets dont on rêvait depuis longtemps, mais qu’on pensait impossibles… C’est aussi un réel plaisir de travailler avec votre équipe et transmettre ce que j’ai acquis au fil de décennies d’expérience. C’est immense, je n’ai pas d’autre mot…

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