Maïké Dellicour réalise l’inventaire des Habitats d’intérêt communautaire (HIC) du Parc national et évalue leur état de conservation écologique. Elle a donc l’habitude d’arpenter ces milieux. Elle sera notre guide dans la découverte de cette richesse écologique unique.
Qu’est-ce qu’un Habitat d’intérêt communautaire ?
Un HIC est un milieu naturel ou semi-naturel reconnu par l’Union européenne (UE) pour sa valeur biologique et écologique. L’UE préconise de protéger ces habitats, souvent rares et sensibles, qui accueillent une biodiversité précieuse.
« On a recensé 41 HIC en Wallonie », explique Maïké Dellicour. « Le Parc national ESEM en compte 26 à lui seul ! Il s’agit donc d’un patrimoine naturel précieux. Nous avons à cœur de renforcer des habitats rares à l’échelle de la Wallonie. Certains d’entre eux sont bien représentés dans notre périmètre, comme les pelouses calcicoles. Nous avons donc une responsabilité particulière dans leur préservation. »
Quel est l’objectif du Parc national ?
« Pour justifier son ambition de devenir un territoire d’exception, le Parc national de l’Entre-Sambre-et-Meuse s’est fixé pour objectif d’atteindre un bon état de conservation pour tous les HIC présents sur son territoire endéans les 20 ans », indique Maïké. Une telle ambition est inédite en Région wallonne, où les restaurations d’HIC portent généralement sur des parcelles isolées et non sur un ensemble aussi étendu.
« La première chose que nous faisons est d’inventorier et cartographier en détail les HIC au sein du Parc national », explique Maïké. « Cela consiste à visiter les sites et repérer les espèces typiques des différents milieux, pour déterminer à quel HIC nous avons affaire. Ensuite, nous évaluons l’état de conservation du milieu (NDLR : voir ci-dessous). Enfin, nous mettons en place les mesures adéquates. »

Pie grièche écorcheur @Jean Delacre
Dans quel état se trouvent les HIC ?
Malgré les nombreux programmes de restauration menés au cours des dernières décennies, presque tous les HIC de Wallonie sont en mauvais état de conservation à l’échelle régionale. « Nous menons en ce moment une évaluation de l’état de conservation des HIC présents dans le périmètre du Parc national. Cela permettra de définir une situation de départ et de mesurer les améliorations obtenues par la suite », explique la bioingénieure.
L’état de conservation d’un habitat est en quelque sorte son état de santé. Il est mesuré par différents critères, qui permettent de répondre à deux grandes questions : l’habitat a-t-il une superficie et une aire de répartition suffisantes ? Abrite-il un nombre important d’espèces typiques et les populations de celles-ci sont-elles suffisamment abondantes ?
Pourquoi protéger et restaurer les HIC ?
Qui dit « habitat », dit aussi « habitants »… De nombreuses espèces végétales et animales sont inféodées à un ou plusieurs HIC, en raison de leur sol, de leur microclimat, du relief, du contexte hydrologique… Préserver ces milieux, c’est donc protéger la biodiversité ! Voici quelques exemples d’espèces rares ou menacées dans les HIC du Parc national :
- Le grand rhinolophe chasse dans les vergers hautes tiges et hiverne dans les cavités souterraines
- Le triton crêté nage dans les mares et étangs oligomésotrophes (pauvres en nutriment)
- La pie-grièche écorcheur affectionne les prairies maigres de fauche dites « de l’arrhénatérion » (un type de végétation)
- L’orchis bouc est une orchidée des pelouses calcicoles
- L’engoulevent d’Europe, un oiseau rarissime, fréquente les landes sèches
- Etc.

Grand Rhinolophe © Antoine Robiquet
Quelles actions sont prévues ?
Des actions concrètes sont prévues en faveur de tous les HIC présents dans le périmètre du Parc national ESEM. Le type de mesure dépend évidemment de chaque situation. Il peut s’agir p.ex. de laisser le bois mort en forêt, de refermer des drains qui assèchent des prairies humides, de restaurations botaniques, de creuser des mares, etc.
Voici quelques grandes actions du Parc national de l’Entre-Sambre-et-Meuse :
- Restauration de 5 ha de landes sèches en Ardenne
- Restauration de 80 ha de pelouses calcicoles qui seront entretenues par pâturage itinérant
- Création de 5 ha de roselières et plans d’eau dans les prairies de fauche et mégaphorbiaies de Fagne
- Réintroduction de genévriers et d’ifs en milieu forestier et renforcement des populations existantes
- Création de réserves biologiques intégrales et établissement de chartes forestières (gestion durable) au bénéfice de 8 HIC forestiers
- Réensauvagement de la vallée de l’Eau Blanche et labellisation de l’Eau Noire
- Restauration de 50 ha d’habitats prairiaux, amélioration du maillage écologique (haies, mares) et mesures ciblées pour les espèces des milieux ouverts et humides (mâts ou radeaux de nidification pour la sterne pierregarin et la cigogne blanche…)
- Plantation de vergers et création d’une trame noire en faveur de différents habitats et espèces, dont les chauves-souris peuplant les grottes et cavités souterraines
Ces actions et bien d’autres encore sont menées en étroite collaboration avec plusieurs partenaires impliqués dans le Parc national de l’Entre-Sambre-et-Meuse : Ardenne & Gaume, le Contrat de rivière Haute-Meuse, le Département de la Nature et des Forêts (DNF) wallon, Natagora, le Parc naturel Viroin-Hermeton, Virelles.