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Les pelouses calcaires du Parc national

 

C’est un habitat tellement précieux qu’il a droit à une page entière sur notre site… mais
aussi à un traitement spécial : un troupeau de moutons, avec chiens et bergers, assurera
l’entretien des pelouses sèches de Calestienne restaurées par le Parc national. Découvrez
l’histoire singulière et la biodiversité extraordinaire de ce patrimoine unique.

Bienvenue sur les crêtes calcaires de Calestienne. D’ici, vous admirez un paysage à couper le souffle, de collines boisées et de vallées sauvages. Sous vos pieds, une vie discrète s’anime : orchidées éclatantes, criquets crépitants, lézards paressant sur les pierres chaudes… Un parfum méditerranéen plane. Mais vous êtes bien au cœur de l’Entre-Sambre-et-Meuse. 

Nous vous racontons ici l’histoire de ce milieu unique, façonné par l’histoire humaine et magnifié par la nature. Avec ses partenaires, le Parc national de l’Entre-Sambre-et-Meuse mène un projet d’ampleur inédite, avec une grande ambition : pérenniser ce patrimoine régional précieux et sa biodiversité unique !

La rencontre d’un sol et d’une tradition

Les pelouses calcaires (ou pelouses calcicoles) sont typiques d’une des trois régions naturelles du Parc national : la Calestienne. Celle-ci se distingue par un relief prononcé et une roche calcaire, souvent affleurante (pensez au célèbre Fondry des Chiens, par exemple). Orientés au sud ou au sud-ouest, les versants de ces « tiennes » (ou « tiènes » : collines) calcaires ont la particularité d’emmagasiner la chaleur et de laisser l’eau s’infiltrer. Résultat : un microclimat chaud et sec se développe sur ces côteaux bien exposés. Voilà qui explique ce petit air provençal !

fondry des chiens

Les roches du Fondry des Chiens, le « Grand Canyon belge ». © Peggy Schillemans.

Mais pourquoi donc des pelouses ? C’est ici qu’intervient l’histoire des peuplements humains. Jadis couvert de hêtres et de chênes, le relief de Calestienne a été peu à peu déboisé par l’action humaine. Le pâturage itinérant, pratiqué des siècles durant autour des villages, a maintenu dénudé ce décor autrefois enchevêtré. Ainsi est né un ensemble remarquable de milieux ouverts semi-naturels, où les naturalistes se bousculent pour admirer une végétation et une faune qu’on ne trouve nulle part ailleurs sous nos latitudes !

Les vallées du Viroin et de l’Eau Blanche constituent un « hotspot » pour les pelouses calcaires en Wallonie. La carte indique les pelouses inscrites dans le réseau Natura 2000.

Une arche de Noé au cœur du Parc national

Cela peut sembler étonnant, mais ce sont souvent les milieux les plus ingrats qui abritent les plus grands trésors de biodiversité. L’ouverture progressive de ces pelouses sèches a en effet permis, au fil des siècles, l’installation d’une flore adaptée à ces conditions inhabituelles, entraînant à sa suite un cortège de papillons rares et autres insectes inféodés à ces plantes endémiques.

Objets d’admiration ou pépites méconnues, elles s’étalent devant vous : orchidées (orchis bouc, orchis pourpre, orchis singe, orchis homme pendu, ophrys mouche…), aromatiques (origan) et graminées (brome érigé, brachypode penné…), ou encore le très rare hélianthème des Apennins, le géranium sanguin ou l’aster d’automne. Nombre de ces espèces sont ici à la limite septentrionale de leur distribution. 

La faune est aussi au rendez-vous. Ici, on parle avant tout d’insectes, avec de nombreuses espèces originaires de la région méditerranéenne, de l’est de l’Europe et des steppes d’Asie. Le majestueux flambé (Iphiclides podalirius), le petit argus bleu nacré (Lysandra coridon) sont deux papillons remarquables. Mais il ne faudrait pas oublier une belle galerie d’orthoptères (sauterelles et criquets), qui bondissent volontiers sur ces sols secs et rocailleux. C’est le cas notamment du criquet du brome (Euchorthippus declivus), découvert récemment à Couvin. Les reptiles apprécient aussi ces reliefs bien exposés. C’est le cas notamment du lézard des murailles (Podarcis muralis) et du lézard vivipare (Zootoca vivipara).

Ophrys mouche (Ophrys insectifera), l’une des nombreuses orchidaceae de Calestienne. Photo : ©CNABH.

Ophrys mouche (Ophrys insectifera), l’une des nombreuses orchidaceae de Calestienne. Photo : ©CNABH.

Ne pas confondre : pâturage itinérant et écopâturage

Le Parc national de l’Entre-Sambre-et-Meuse lance un projet inédit de pâturage itinérant. À la belle saison, notre troupeau de plusieurs centaines d’ovins parcourra les collines de Calestienne, accompagné de bergers et de chiens. Les bêtes évolueront sur des pelouses majoritairement non clôturées (la nuit, des clôtures amovibles permettront de rassembler et protéger les animaux). À côté de ce troupeau itinérant, des projets d’écopâturage existent depuis de nombreuses années, sur des pelouses qui sont désormais intégrées dans le périmètre du Parc national. On y applique le même principe de gestion par pâturage, mais il s’agit cette fois de troupeaux placés par des éleveurs indépendants du Parc national sur des parcelles clôturées.

Conservation et restauration des pelouses

Depuis un siècle, les surfaces couvertes par les pelouses calcaires se sont considérablement réduites. L’abandon du pâturage itinérant, qui a perdu son utilité avec l’avènement de l’agriculture intensive, a été un facteur décisif. Les pelouses d’antan se sont alors spontanément reboisées, tandis que des pins ont été plantés en abondance, pour le boisage des galeries minières.

Le flambé (Iphiclides podalirius) sur un rameau d’une aubépine à un style (Crataegus monogyna). Photo : © OT Viroinval.

Ce patrimoine naturel est considéré comme prioritaire au niveau européen, puisqu’il est repris dans la liste des habitats « d’intérêt communautaire » de la Directive Habitats de l’UE (1992). Les quelques pelouses qui subsistent aujourd’hui constituent des témoignages qu’il est primordial de protéger. Mais il est tout aussi essentiel de rouvrir une partie des pelouses disparues, pour augmenter les surfaces et reconnecter ces habitats naturels fragmentés. Cela permettra aux différentes espèces de circuler et consolider leur patrimoine génétique, ce qui contribuera à établir des populations viables à long terme.

C’est à la fin du siècle dernier que les premiers programmes de restauration de pelouses calcicoles ont été initiés, notamment à travers le LIFE Haute-Meuse (projets de restauration des milieux naturels financés par l’Union européenne), menés par Ardenne & GaumeNatagora et le Département de la Nature et des Forêts. 

Avec ces partenaires expérimentés, le Parc national s’inscrit dans la continuité de ce travail de restauration, auquel il apporte une dimension nouvelle. « Le Parc national prévoit la restauration de 80 ha de pelouses calcaires d’ici 2026, en plus des quelque 120 ha de pelouses déjà présentes dans le périmètre. À ce jour (NDLR : décembre 2023), des accords ont déjà été conclus pour environ 60 ha  de terrains, essentiellement publics », détaille Maxime Gonze (Ardenne & Gaume), qui assure la mise en œuvre de cette action.

400 moutons à la rescousse

Restaurer les pelouses ne suffit pas. Il faut aussi les entretenir et assurer leur interconnexion. Comme nombre de milieux ouverts semi-naturels, leur pérennité dépend en effet du travail des ruminants, qui broutent inlassablement les étendues herbeuses. Alors, si on veut éviter de recourir à l’usage systématique d’outils mécaniques, une solution s’impose : redonner une place aux troupeaux ovins et caprins qui arpentaient jadis les versants escarpés de Calestienne. Chèvres et moutons sont capables non seulement de digérer les herbes parfois coriaces qui poussent sur ces côteaux, mais ils rabattent aussi les recrus ligneux, favorisant la végétation basse typique des pelouses.

L’une des toutes premières brebis du Parc national de l’Entre-Sambre-et-Meuse. Photo : © Parc national ESEM.

C’est pourquoi le Parc national est actuellement en train de constituer un troupeau ovin, qui devrait compter 400 têtes en 2026. Il s’agira de moutons d’une race locale menacée : l’Entre-Sambre-et-Meuse. Ça ne s’invente pas ! Guidé par des bergers et des chiens, le troupeau parcourra la Calestienne en itinérance, du printemps à l’automne. Ce projet signe le retour d’une tradition agropastorale ancrée dans le patrimoine local, tout en offrant une vision innovante des alliances possibles entre nature et développement économique. 

« Avec le troupeau, le Parc national ESEM s’inscrit dans l’histoire régionale, tout en lui apportant un nouveau souffle », conclut Thibaut Goret, qui assure un suivi du projet d’agropastoralisme. « Le troupeau et la bergerie, avec les naissances, les chiens et la production durable de laine et de viande, représentera un pôle d’attraction pour les visiteurs et un modèle inspirant pour le développement durable de la région. »

LES MILIEUX OUVERTS AU PARC NATIONAL 

Le Parc national de l’Entre-Sambre-et-Meuse abrite une kyrielle de milieux ouverts semi-naturels. Outre les pelouses calcicoles, des landes sèches, prés de fauche et prairies humides contribuent à la diversité des espaces et des espèces sur le territoire. Des actions sont prévues pour tous ces habitats précieux.