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© Ferme de la Jussière

Les prairies représentent un réservoir de biodiversité absolument extraordinaire. Comment s’explique cette richesse, malheureusement menacée ? Et pourquoi la protéger ? Vous trouverez les réponses dans cet article qui reprend une intervention de Thibaut Goret, ingénieur agronome, éleveur et spécialiste des relations agriculture-environnement au Parc national, lors de la dernière Foire agricole de Libramont.

Les milieux ouverts semi-naturels, autrement dit les prairies au sens large, représentent un réservoir de biodiversité absolument extraordinaire ! Au total, la flore wallonne de ces milieux comprend plusieurs centaines d’espèces indigènes (400-500). Comment expliquer une telle richesse ?

Les secrets d’une richesse biologique unique

Une prairie de haute valeur biologique peut abriter jusqu’à 80 espèces de plantes sur 100 mètres carrés. Aucun autre habitat au monde n’atteint ce taux sur un si petit espace. Et ce n’est pas tout : on estime qu’il y a 10 espèces animales pour une espèce végétale. Avec seulement quelques mètres carrés, on peut donc avoir énormément de biodiversité sur ces prairies.

En outre, il existe une grande diversité de prairies liées à la combinaison entre les nombreux facteurs physico-chimiques du sol et la variabilité des pratiques de fauche ou de pâturage. En Wallonie, on dénombre pas moins de 20 alliances spécifiques, qui accueillent chacune leur cortège floristique propre et la faune qui l’accompagne. Les pelouses calcaires (ou « calcicoles »), les mégaphorbiaies (prairies à hautes herbes appréciant des conditions humides), les prairies humides pauvres, les prairies maigres de fauche… en sont quelques exemples.

Les seuls milieux agricoles reposant sur la flore indigène 

Il faut être conscient que ces milieux sont bien des milieux agricoles, puisqu’ils nécessitent une intervention humaine, par fauche ou pâturage. Sans celle-ci, sous nos latitudes, ils seraient recolonisés par la forêt. Il faut noter également que ce sont les seuls milieux agricoles constitués entièrement d’une flore sauvage indigène. C’est pourquoi il est légitime de parler de « milieux ouverts semi-naturels ». L’élevage est donc un maillon essentiel pour la préservation de la biodiversité (lire ici) !

L’agriculture a façonné nos paysages depuis plus de 8.000 ans, la flore et la faune sauvage ont co-évolué avec les anciennes pratiques agropastorales (pâturage itinérant…), ce qui a permis l’expression d’une richesse biologique hors du commun, qui s’est maintenue jusqu’au milieu du vingtième siècle (avec l’arrivée d’une agriculture intensive et mécanisée), et que l’on peut heureusement encore observer dans certains îlots préservés dans le Parc national de l’Entre-Sambre-Meuse !

« En Wallonie, sur les 350.000 ha de prairies, seulement 25.000 ha sont considérés comme riches en biodiversité.« 

Les prairies en danger !

Depuis 1955, un tiers des prairies permanentes de Wallonie (plus de 200.000 ha) ont disparu ! Par ordre d’importance, les causes sont l’urbanisation, le labour et l’abandon de parcelles peu productives, entraînant la recolonisation forestière (et parfois via la plantation de résineux). 

La majeure partie des prairies résiduelles ont vu leur exploitation intensifiée, principalement par l’usage d’engrais chimiques, le drainage, la précocité et la fréquence des coupes et l’augmentation de la charge en bétail. Tous ces facteurs ont contribué à diminuer drastiquement la biodiversité de ces milieux. En Wallonie, sur les 350.000 ha de prairies, seulement 25.000 ha sont considérés comme riches en biodiversité

Il faut ajouter à cela l’agrandissement des parcelles (nécessaire à la mécanisation) et ses lourdes conséquences sur le maillage écologique. Selon, les localités, 50 à 80% des haies ont disparu depuis 1960, 50 à 80% des mares depuis 1980 et 99% des vergers hautes-tiges !

Les conséquences pour la biodiversité n’ont pas tardé à se faire sentir : la plupart des groupes d’espèces inféodées aux milieux agricoles sont en recul très net : insectes, oiseaux, chauves-souris… On estime à 75% la perte des populations d’espèces animales sauvages depuis un demi-siècle.

Si les espèces sauvages en milieu agricole se portent plus mal encore que la moyenne, que dire alors du monde agricole humain, dont la population s’effondre littéralement, puisqu’elle est passée de 120.000 agriculteurs au début du siècle dernier à 12.000 actuellement, soit un déclin de 90% ! Le lien de cause à effet est évident : plus leur nombre décroît, plus la diversité des pratiques s’estompe, plus le paysage se simplifie, plus la diversité des espèces diminue…

« La plupart des groupes d’espèces inféodées aux milieux agricoles sont en recul très net : insectes, oiseaux, chauves-souris… »

Comment protéger ce patrimoine ?

Natura 2000 a permis de protéger 38000 ha de prairies permanentes, soit un peu plus de 10% des prairies wallonnes. Ces prairies sont interdites de labour et de fertilisation chimique et, pour une partie d’entre elles, préservées de l’intensification (fauches tardives, diminution ou interdiction d’engrais organique…). Dans la nouvelle Politique Agricole Commune (PAC) de l’Union européenne, il est prévu d’accorder une protection spécifique supplémentaire pour les prairies permanentes, notamment dans certains contextes particuliers.

À l’échelle du Parc national, quatre grands groupes de mesures sont mis en œuvre :

  • Création et extension de réserves naturelles agréées et domaniales. L’objectif est de 10% à l’horizon 2043, ce qui représente dix fois le taux régional actuel !
  • Adhésion d’agriculteurs qui entrent dans notre périmètre en signant une charte qui tend vers le bio et la faible charge en bétail.
  • Restauration d’habitats d’intérêt communautaire tels que prairies maigres de fauche, mégaphorbiaie et pelouses calcicoles.
  • Nombreuses actions de maillage écologique sur des terrains publics et privés : plantation de haies, creusement de mares agricoles, vergers hautes-tiges…

Plus particulièrement, le Parc national acquiert et restaure des parcelles pour agrandir le réseau de réserves naturelles en milieu ouvert. 

Le rôle déterminant de la charge en bétail dans les fermes :

Th. Goret – UCL 2008. On constate que la faible charge en bétail est associée à la présence plus importante de prairies de valeur biologique élevée ou moyenne sur les exploitations.

L’agroécologie pour magnifier le bocage

Il est grand temps de revaloriser la place des herbivores dans nos paysages (lire aussi cet article). Lorsqu’il est biologique et extensif (en faible charge en bétail, donc reposant sur la pousse naturelle de l’herbe), l’élevage permet de concilier la valorisation de surfaces agricoles les moins productives (les prairies) et la préservation de milieux semi-naturels d’une biodiversité devenue rare aujourd’hui. Les approches agroécologiques apportent aussi une série de services écosystémiques supplémentaires comme la préservation de la qualité des eaux de surface et des eaux souterraines, l’atténuation des inondations ou encore la lutte contre les dérèglements climatiques (les fermes agro-écologiques  ont un bilan carbone neutre !).

Et puis, comment ne pas mentionner la valeur culturelle et paysagère d’une mosaïque bocagère qui compte parmi les plus belles dans notre pays. En Fagne-Famenne et Calestienne, le Parc national et ses partenaires comptent bien offrir aux visiteurs et visiteuses une expérience de découverte particulièrement inspirante entre prairies, rivières, roselières, bosquets, haies et vergers.

Ce texte est issu de la présentation de Thibaut Goret, chargé de mission Nature et Biodiversité, à des professionnel.les du secteur agricole et des visiteurs, lors de la Foire de Libramont, en juillet 2024.

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