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Abeilles noires ©Hubert Guerriat

« Localiser une colonie d’abeille noire, c’est un peu comme chercher une aiguille dans une botte de foin », avoue Estelle Doumont. Elle mène des recherches sur l’abeille noire dans les forêts du Parc national de l’Entre-Sambre-et-Meuse. Un défi complexe mais nécessaire, car la survie de cet insecte indigène est en jeu.

Estelle Doumont étudie la biologie de la conservation à l’Université de Liège.Elle réalise son travail de fin d’étude avec notre partenaire Mellifica, qui porte nos actions de recherche et de préservation de l’abeille noire en étroite collaboration avec les spécialistes Nature du Parc national. Depuis l’été 2023, elle mène des recherches sur le terrain afin de mieux comprendre les colonies sauvages d’abeille noire dans les forêts de l’Entre-Sambre-et-Meuse. Le mois dernier, elle est venue présenter ses recherches à l’équipe du Parc national. À cette occasion, nous avons pu discuter de ses résultats encourageants.

1. Estelle, peux-tu nous présenter cette abeille noire ?

« Bien sûr. L’abeille noire (Apis mellifera mellifera) est la sous-espèce indigène de l’abeille mellifère (Apis mellifera) dans notre région. À la différence des abeilles solitaires, que le Parc national ESEM protège également, elle vit en colonies bien organisées. L’abeille mellifère peut être élevée dans des ruches, c’est pourquoi on l’appelle parfois abeille domestique, mais il s’agit d’abord d’une espèce sauvage, qui installe ses colonies dans des arbres creux, des cavités rocheuses ou des trous dans les vieux murs. »

« L’abeille noire est menacée principalement en raison de la dispersion d’autres sous-espèces originaires du sud de l’Europe et d’hybrides introduites pour l’apiculture. En s’accouplant avec ces autres abeilles, l’abeille noire tend à régresser et disparaître en tant que sous-espèce distincte, car ses gènes sont remplacés peu à peu par ceux des autres souches. C’est dommageable pour la diversité de l’espèce et pour les apiculteurs, mais aussi pour nos écosystèmes, car les pollinisateurs ne sont pas interchangeables. »

2. En quoi consistent tes recherches, quels sont les résultats ?

« Mes objectifs sont d’abord de cartographier les colonies d’abeille mellifère vivant à l’état sauvage sur le territoire, de déterminer la composition génétique des colonies, et enfin de recenser les ressources mellifères, c’est-à-dire les densités de fleurs susceptibles d’être butinées dans les zones concernées, afin d’estimer la quantité de ressources nécessaire pour nourrir une colonie. »

« Localiser les colonies, c’est un peu comme chercher une aiguille dans une botte de foin ! Nous utilisons une technique appelée bee-lining : les abeilles sont capturées dans une boîte contenant du sirop de sucre puis marquées avec un point de couleur, on observe alors la direction de leur vol et on mesure le temps nécessaire avant qu’elles ne reviennent vers cette source de sucre. Cela permet d’estimer à quelle distance se trouve la colonie. J’avoue que cela n’a pas encore été très fructueux ! Nous avons en revanche détecté des colonies grâce aux indications d’apiculteurs locaux. »

« Par l’analyse génétique, nous avons découvert que 4 des 8 colonies analysées proviennent d’une reine dont l’ADN est à plus de 99% de type “abeille noire”. C’est très encourageant. Dans certains cas, on utilise aussi la morphométrie : un logiciel d’intelligence artificielle nous aide à analyser des photos d’ailes d’abeilles afin de déterminer leur sous-espèce en fonction du motif formé par les nervures (voir photo). »

Une aile d’abeille noire, avec la disposition particulière de ses nervures.

3. Quels sont les objectifs de ta recherche, et pourquoi le Parc national protège-t-il l’abeille noire ?

« Savoir où se trouvent les colonies sauvages et estimer la ressource en fleurs mellifères, cela permet de déterminer où les abeilles noires ont le plus de chance de fonder de futures colonies prospères, qui viendront renforcer la sous-espèce. En fonction de cette cartographie, le Parc national disposera des ruches-troncs aux endroits les plus intéressants. Les ruches-troncs sont des sections de tronc creux qui reproduisent l’habitat naturel de l’abeille noire (un exemple de dendromicrohabitat). »

« Protéger l’abeille noire, c’est surtout préserver une sous-espèce indigène, présente depuis des milliers d’années dans nos régions. Par conséquent, c’est aussi une façon de contribuer à la résilience de notre écosystème forestier, puisqu’au cours de ce temps long, l’abeille noire s’est adaptée à la flore locale, et vice-versa. De plus, des études montrent qu’elle a une meilleure rusticité, une caractérisqtique intéressante pour les apiculteurs qui souhaitent pratiquer une apiculture plus durable en harmonie avec la nature. De plus, l’hybridation génère souvent de l’agressivité, ce qui affecte le travail des apiculteurs. »

Aucun doute, l’abeille noire mérite vraiment de poursuivre son aventure dans nos forêts !

REGARD DÉCALÉ
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Source : Detienne, M, in Bonnefoy, Y, Dictionnaire de mythologies.

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