Lise, bergère du Parc national dans la bergerie à Couvin
Lise Piron est chargée de projet Pâturage itinérant. En tant que bergère, elle accompagnera le troupeau du Parc national dans son estive à travers les collines de Calestienne. Elle nous parle de son métier de bergère, qu’elle a perfectionné dans les Alpes, et des apports d’un troupeau ovin pour la région.
En ce mois de novembre 2023, les premières antenaises (jeunes brebis) du troupeau du Parc national de l’Entre-Sambre-et-Meuse ont intégré leur bergerie, hébergée par nos partenaires du Domaine Saint-Roch, à Couvin. La même semaine, Lise Piron rejoignait l’équipe du Bureau de Projet. Avec ses collègues Thibaut, Maxime et Stéphane, Lise coordonnera et planifiera la mise en place de nos actions de pâturage itinérant, qui permettront, entre autres, d’entretenir les précieuses pelouses de Calestienne (qui seront prochainement restaurées), au bénéfice d’une biodiversité unique. Lise est aussi bergère et elle accompagnera les troupeaux dans les collines, avec son chien Mac. Nous lui avons posé trois questions…
1. Bonjour Lise, peux-tu te présenter… et présenter celui qui t’accompagne ?
« Je m’appelle Lise Piron, je suis bergère et j’ai aussi une formation scientifique en hydrologie. Et lui, c’est Mac, mon chien de troupeau, un border collie de 10 ans. Il a plus d’expérience que moi en garde de troupeau : il travaille et fait des concours depuis l’âge d’un an. C’est un collègue indispensable dans mon travail de bergère et le premier chien de troupeau du Parc national. »
« La famille de mon père est originaire de la région, j’y ai donc un ancrage fort. J’avais entendu parler du projet de Parc national avant même sa concrétisation. J’ai immédiatement manifesté mon intérêt et quand un poste de chargée de projet pour le pâturage itinérant s’est ouvert, je me suis portée candidate. J’ai demandé que mon travail soit partagé équitablement entre des tâches d’organisation, dans nos bureaux, et la garde des troupeaux en itinérance, sur le terrain. C’est un bon équilibre ! »
2. Comment devient-on bergère ?
« En ce qui me concerne, ce fut un long et sinueux chemin ! Après mes études, j’ai travaillé quelques mois dans un bureau, mais je me suis rapidement rendu compte que ma vie était au grand air. L’image des troupeaux d’alpage s’est imposée à mon esprit. Je me suis toujours sentie appelée par les fermes, les animaux, la traite… Mon histoire familiale a peut-être aussi joué un rôle : ma grand-mère maternelle gardait le troupeau familial dans les montagnes albanaises, avant de fuir vers la Belgique. Aujourd’hui, elle déteste les moutons, parce qu’ils l’ont empêchée d’avoir une scolarité normale. Elle ne comprend pas pourquoi j’ai choisi de devenir bergère, alors que j’ai fait des études universitaires. »
« Ma première expérience avec les moutons, c’était dans une ferme urbaine à Bruxelles, où j’ai travaillé 5 ans. J’y ai appris le métier d’éleveuse et j’ai découvert le potentiel extraordinaire des moutons pour sensibiliser des enfants déconnectés du vivant. Mais ce que je voulais vraiment, c’est devenir bergère, accompagner des troupeaux en itinérance. J’ai alors eu une première expérience de bergère en forêt, à Anlier, en province de Luxembourg. C’est là que j’ai adopté mon chien Mac. J’y ai appris le métier sur le tas, dans des conditions difficiles, souvent en improvisant. »
« Apprendre et travailler entre femmes est essentiel pour la sécurité et la confiance, surtout lorsqu’on est seule en montagne. »
Lise Piron – chargée de mission Pâturage itinérant
« Mais la montagne continuait de me hanter, je voulais garder de plus grands troupeaux ! Et j’ai enfin pu décrocher un poste d’aide-bergère dans les Alpes. J’y ai été formée par une autre bergère. Apprendre et travailler entre femmes est essentiel pour la sécurité et la confiance, surtout lorsqu’on est en montagne. Ma formatrice m’a appris à connaître le terrain et le troupeau, à repérer les brebis ayant un comportement problématique, à comprendre les dynamiques de groupe. Observer est primordial ! Ceci dit, bergère est un métier que l’on acquiert par la pratique de terrain et j’ai encore beaucoup de choses à apprendre… »
Le Parc national ESEM à accueilli ses premières agnelles
3. Quel est l’apport du pâturage itinérant dans un projet de Parc national ?
« Le troupeau du Parc national de l’Entre-Sambre-et-Meuse permet de répondre à différents enjeux. Le premier enjeu est la restauration et la conservation d’habitats semi-naturels hérités d’une tradition de pastoralisme séculaire. Il s’agit de protéger la biodiversité rare et endémique des pelouses calcicoles de Calestienne, en entretenant les milieux ouverts – dont une partie sera préalablement restaurée – par pâturage itinérant. C’est aussi une manière de faire revivre un patrimoine humain et paysager ancré dans la région, et dont on trouve des traces dans les noms de familles, de rue et de lieux-dits. »
« Ensuite, il ne faut pas oublier la dimension agricole et économique. Nous allons développer une filière de viande et de laine. Nous voulons aussi contribuer à renforcer l’image de l’ovin en Wallonie. Actuellement, ce que nous produisons en Belgique ne répond pas du tout à la demande nationale, il y a donc un potentiel à développer ! Nous espérons que cette activité initiée par le Parc national inspirera de nouveaux éleveurs et éleveuses, qui profiteront des dynamiques et des structures mises en place. »
« C’est aussi une manière de faire revivre un patrimoine humain et paysager ancré dans la région, et dont on trouve des traces dans les noms de familles, de rue et de lieux-dits.«
Lise Piron – bergère du Parc national ESEM
« L’aspect humain, enfin, est essentiel. À la belle saison, le troupeau traversera la Calestienne, passant de village en village. Cela contribuera à recréer du lien entre les villages, notamment avec une dimension festive et événementielle. Les moutons ont cette capacité d’être un point de rencontre entre des gens issus de milieux différents, de réunir par-delà les générations et de sortir les gens de la solitude. À titre personnel, je suis aussi là pour contribuer à féminiser le métier de bergère et d’agricultrice. Les femmes ont un vrai rôle à jouer dans l’agriculture. Le Parc national peut être un exemple qui encourage des jeunes, notamment les jeunes femmes, à se lancer et franchir le pas… »
Pourquoi le Parc national ESEM développe-t-il un projet de pâturage itinérant?
Parmi de nombreuses merveilles naturelles, le Parc national a la chance de veiller sur un réseau unique de pelouses calcicoles, typiques de la Calestienne. Ces milieux ouverts sont un héritage de traditions pastorales locales, qui ont disparu avec l’intensification agricole. Pour préserver ce trésor paysager et sa biodiversité endémique, le Parc national et ses partenaires ont prévu des actions de restauration de pelouses, mais aussi leur entretien écologique. Le troupeau itinérant du Parc national permettra en effet de maintenir ces milieux ouverts et en bon état de conservation, tout en offrant un spectacle unique aux visiteurs, visiteuses et habitant-es de la région.
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