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Quel rapport y a-t-il entre des plantes sauvages aux volutes indomptables et les révoltes d’esclaves dans les Antilles françaises ? C’est la question étrange à laquelle s’attaque ce petit livre inclassable, à la fois poétique et politique, signé Dénètem Touam Bona. Bref compte-rendu.

Attention : le titre de ce court essai est trompeur. Ce livre ne vous rendra pas docile ou résigné. L’auteur nous avertit d’emblée : la sagesse dont il est ici question est faite de ruse et d’esquive. Un art subversif. La liane sert de fil conducteur sinueux et vivant dans un récit qui célèbre des siècles de résistance à la loi du plus fort. 

La liane nous apprend d’abord l’enchevêtrement. La façon dont toutes les formes de vie sont liées et interdépendantes. Elle défie les classifications rigides et les tentatives de dominer et maîtriser la nature. Prisées par les peuples autochtones, qui en tiraient divers usages, les lianes s’inscrivent en faux contre notre représentation d’une nature vierge et passive, qui attend impassiblement d’être domptée et exploitée.

La liane est aussi l’image de l’insaisissable. Dans la forêt profonde, ses entrelacs brouillent les formes et les identités. Ici se noue le lien entre fronde végétale et révolte populaire (Robin des bois !). Disparaître en forêt est depuis bien longtemps le mode de survie adopté par les peuples qui fuient l’oppression et l’esclavage. Touam Bona en donne de multiples exemples parmi les communautés autochtones et afrodescendantes.

« Si j’ai choisi la liane comme motif principal », écrit l’auteur, « c’est d’abord pour rendre hommage au lyannaj (du créole « lyan », « liane ») de Martinique et de Guadeloupe : des pratiques de solidarité et de résistance qui s’inscrivent dans l’expérience historique du marronnage » (NDLR : les « marrons » sont des esclaves qui ont pris la fuite). 

Car la liane, c’est surtout le lien. Elle raconte les alliances que ces peuples opprimés et discriminés ont su faire avec le monde vivant : les plantes aux vertus médicinales ou « magiques », la forêt dont ils usent comme un refuge et « espace de camouflage ». Avec cela s’ajoute un art de prendre soin de la terre, d’autant plus vital que les descendants d’esclaves héritent d’un arrachement à leur terre d’origine, qui est comme la perte de leur propre chair. Privés de dignité, et même de leur identité, ils s’emploient à recréer une terre, en tissant des liens qui prennent soin du vivant, là où leurs maîtres s’emploient à le détruire, pour y substituer la plantation et son modèle extractiviste.

Cet essai, rédigé dans une langue accessible et envoûtante, se glisse dans la main de tous ceux et toutes celles qui souhaitent questionner notre rapport à la nature et aux autres. Sa prose s’infiltre dans l’esprit à la manière d’une liane rebelle.

Dénètem Touam Bona. Sagesse des lianes, Cosmopoétique du refuge I. Post-éditions, 2021.

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